Un chirurgien esthétique jeune et brillant a été récemment interrogé d’une façon inquisitoriale d’abord dans la presse parisienne puis à l’émission TPMP, concernant des complications qu’il aurait eu dans l’exercice de sa profession.
C’est un chirurgien connu très introduit dans les milieux de la téléréalité et des influenceuses.
J’ai moi-même été confronté à ce type de situation lorsque j’étais chirurgien praticien à l’hôpital Boucicaut, au cours d’un reportage qui a eu un grand retentissement car il montrait des opérations de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique.
Le résultat fut catastrophique en ce qui me concerne, car les confrères et les collègues ont critiqué cette prestation qui m’a valu pendant des années d’être très déconsidéré dans le cadre de notre société savante.
J’étais au demeurant un bon candidat à interviewer car j’aime donner de l’information précise concernant mon métier, répondre d’une façon imagée pour illustrer mes propos et communiquer avec les autres.
Quels sont les bienfaits apparents d’un passage télévisé ?
L’espérance est que le passage à la télévision va augmenter notre notoriété et donc de multiplier le nombre de patients qui vont appeler.
En fait l’expérience montre que si le nombre d’appels peut submerger le secrétariat, en réalité les patients ne viennent pas consulter aussi facilement que cela en a l’air!
Les patients s’inquiètent surtout du montant des honoraires ainsi que du prix de la consultation: ils cherchent une bonne solution économique; le fait d’avoir vu un chirurgien à la télévision leur donne plutôt un gage de confiance dans ses capacités professionnelles, car ils se doutent bien que s’il a été choisi par les médias, c’est qu’il a une réputation établie dans la profession.
Ma perception personnelle du problème est qu’un chirurgien devient connu parce qu’il a fait des publications scientifiques innovantes, mais aussi parce que le réseau de médecin de famille généraliste ou spécialiste qui l’entoure à pu voir des bons résultats obtenus par lui et ainsi le recommander à leurs patients ; c’est le bouche à oreille qui est donc pour moi beaucoup plus efficace à long terme qu’un passage télévisé.
Mais en ce qui concerne ce jeune chirurgien qui a été pris à partie par les médias, je trouve qu’il s’est bien défendu avec une humilité impressionnante et une grande sincérité.
Quels sont les inconvénients d’une starification télévisée pour un chirurgien esthétique ?
Le passage à la télévision peux réveiller bien des rancoeurs chez des patients insatisfaits; ils peuvent ainsi trouver un motif pour interagir avec leur chirurgien détesté et exprimer des avis extrêmement négatifs, des témoignages confondants où la part de la vérité peut-être partielle.
L’existence de complications postopératoires est inhérente à la pratique de la chirurgie plastique réparatrice et esthétique. D’ailleurs la retouche fait partie intégrante de la spécialité ce qui veut dire que l’insatisfaction du patient ne peut être corrigée que par une reprise chirurgicale dont les modalités de tarification vont dépendre s’il y a une faute chirurgicale ou non.
Or c’est rarement le cas d’une faute chirurgicale, le plus souvent c’est un aléa de cicatrisation qui va imposer cette reprise chirurgicale nécessaire.
Le conseil de l’ordre des médecins veille à ce que les règles éthiques ne soient pas outrepassées par les chirurgiens esthétiques ; la chirurgie esthétique ne peut être pratiquée comme un commerce, les opérations ne peuvent pas être vendues, ou être offertes comme prix à une candidate d’un concours de beauté, l’occasion de prix..
Malheureusement souvent le Conseil de l’Ordre n’est pas saisi par des patients insatisfaits mais par des confrères jaloux, ce qui témoigne d’une confraternité professionnelle extrêmement limite.
En tout cas l’acte chirurgical ne peut pas devenir un show télévisé…
Quelles Morale et Ethique chez le chirurgien esthétique ?
C’est au cours de nos études à l’hôpital que nous nous forgeons un sentiment moral et éthique par le compagnonnage auprès de nos aînés. C’est ainsi que j’ai pu former plusieurs générations de jeunes chirurgiens devenu très brillants et éminents dans notre société de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique.
Toutefois les trajets personnels de chacun de ces chirurgiens restent soumis à son appréciation personnelle, il y a des contraintes de la vie qui ne sont pas aisément gérables au prédictibles .
le Triomphe médiatique de certains d’entre eux au détriment d’autres qui sont restés extrêmement discrets, n’a pas remis en cause la réussite professionnelle individuelle.
Le milieu de la chirurgie plastique reconstructrice et esthétique est devenu un milieu très concurrentiel. Les sites internet et la présence sur les réseaux sociaux ont grandement modifié la donne. Les techniques de référencement sont devenues plus importantes à connaître que celle des bons gestes en matière de lifting cervico-facial ou des dernières techniques de microchirurgie.
Le fait de figurer en première page de Google pour des mots clés précieux occupe l’esprit des jeunes collègues; de nombreuses agences de communication se sont spécialisées dans le faire valoir de ceux qui essaie d’avoir une notoriété par accélération informatique, plutôt que par des innovations techniques retentissantes.
Cela est d’autant plus visible à notre époque, où la starification d’un chirurgien passe par le fait qu’il opère des stars et des gens connus qui sont susceptibles de lui renvoyer une image iconique.
L’éthique principale qui nous anime néanmoins est qu’une opération égale une responsabilité à assumer !
Notre formation technique est donc prédominante dans la course à la renommée ; il est utile de rappeler notre aptitude à respecter des règles de bon sens en plus du respect de nos confrères et de la population en général.
En conclusion, pour chaque chirurgien esthétique il existe un rêve de starification. Si ce rêve et d’opérer des stars pour en devenir une, il s’agit alors d’une terrible erreur…
La star iconique ou la vedette médiatique est quelqu’un qui occupe le devant de la scène; mais dans notre métier il vaut mieux rester dans l’ombre, ne pas révéler ces opérations et les rendre invisibles ou tout du moins inapparentes. C’est la discrétion du chirurgien esthétique qui fera que le bouche-à-oreille sera d’autant plus fort dans son cas, ce qui me paraît être une règle durement apprise au cours de ma pratique professionnelle.