La réparation du tendon fléchisseur surtout en zone 2 reste encore problématique, malgré les progrès réalisés dans les années 1980, surtout grâce à la technique de suture de Kessler (suture armée en 8 avec noeud enfoui à l’intérieur de la tranche des deux extrémités du tendon) ;
Les spécialistes continuent de discuter de l’intérêt d’une rééducation plus précoce qu’autrefois, sans immobiliser le doigt pendant 30 jours, durée nécessaire à la coalescence des extrémités tendineuses ; elles ont une forme circulaire, dont le diamètre est d’environ 6 à 8 mm ; La cicatrisation prend 1 mois en général pour devenir solide.
Un chirurgien américain, Kleinert, a montré que la mobilisation pouvait être commencée plus rapidement, à condition de maintenir le doigt blessé fléchi, pour éviter de rompre la suture tendineuse ;
Plus récemment dans le plastic reconstructive surgery journal de juin 2018, un chirurgien chinois Jin Bo Tang, décrit une nouvelle approche de suture et de rééducation des tendons fléchisseurs blessés: réparés dans la zone qui est la plus difficile, c’est-à-dire dans la zone 2, à la base de chaque doigt: le tendon fléchisseur passe à ce niveau entre deux poulies étroites, et donc aura tendance à se bloquer ou frotter si la suture l’épaissit trop !
Il y a plusieurs raisons à cela :
1) 2 tendons fléchisseurs distincts se superposent à ce niveau : le tendon fléchisseur profond et le tendon fléchisseur superficiel, qui commence à se diviser ;
2) les poulies de maintien des tendons sont étroites, et on doit les respecter le plus possible !
3) la réparation des tendons est malaisée car leurs tendons coupés ont tendance à se rétracter, surtout l’extrémité proximale ; il faut parfois aller les chercher à plusieurs centimètres, en fléchissant le doigt et le poignet, pour récupérer les extrémités tendineuses saines ;
4) la vascularisation des tendons est segmentaire, assurée par des mini- artères perforantes ; celles-ci peuvent être arrachées, à l’occasion du traumatisme initial, ce qui va compliquer la cicatrisation tendineuse interne après la réparation ;
5) la technique de suture des tendons varie selon chaque chirurgien et ses habitudes ; Tang décrit une technique qui lui est propre, mais où le nœud final reste extérieur au tendon, ce qui à mon avis n’est pas aussi élégant que la technique de Kessler que j’ai pratiqué pendant 40 ans !
6) la rééducation précoce post-opératoire ne peut pas être un dogme absolu, car il faut tenir compte de la psychologie du patient plus ou moins à l’écoute de son corps, et plus ou moins brutal dans ses gestes quotidiens.
1) la rupture de la suture est la complication la plus brutale, qui peut survenir dans les 30 jours qui suivent la réparation ; statistiquement elle peut se produire dans 5 % des cas ;
2) l’infection post-opératoire est la complication la plus redoutable, car elle va entraîner une nécrose des extrémités tendineuses et une raideur difficilement réparable ;
3) les adhérences autour de la suture vont pénaliser le résultat et peuvent entraîner la nécessité de ténolyse, opération complexe et qui ne donne pas forcément un bon résultat malgré les talents de l’opérateur ;
Les options thérapeutiques vont dépendre de l’analyse clinique !
1) Une amplitude insuffisante peut entraîner la nécessité d’une ré-exploration avec une ténolyse éventuelle (libération chirurgicale minutieuse des adhérences constatées)
2) un blocage total en flexion peut conduire à la nécessité d’une opération de ténoarthrolyse totale antérieure étendue, ou opération TATA de P. Safar
3) les cas les plus extrêmes avec insuffisance de mouvement mais conservation d’un bon étui cutané sur la peau qui se trouve en avant du doigt, peuvent conduire à la nécessité d’une greffe de tendon fléchisseur en deux temps :
Le premier temps est la mise en place d’une tige en silicone le long du trajet anatomique du tendon, tige destinée à créer un espace de glissement suffisant ;
Le deuxième temps consiste en l’implantation d’une greffe de tendon fléchisseur prélevé au niveau de l’avant-bras ou du pied ;
Mais les résultats de ces greffes de tendon secondaires sont nettement moins favorables qu’une bonne réparation primaire !
L’article de Tang rappelle bien la nécessité d’une grande dextérité chirurgicale pour réparer les tendons fléchisseurs en zone 2 : il s’agit d’un acte très particulier de réparation tendineuse, où il faut gérer de multiples facteurs : poulie étroite à ne pas trop abîmer, réaliser une suture tendineuse très solide mais n’élargissant pas trop le profil tendineux, protection des mouvements postopératoires afin de limiter les risques précoces de rupture, rééducation précise et forcenée, bref beaucoup d’impératifs pour une opération qui se fait en général en urgence et qui ne paraît pas si grave au patient, surpris parfois par un résultat qui ne lui convient pas totalement !