07 Jan Podcast du Docteur Mitz sur la médecine narrative
Retrouvez le dernier podcast (et sa retranscription) du Docteur Mitz sur la médecine narrative : https://www.radioj.fr/podcasts/podcast-129-ca-pourrait-vous-plaire/episode-7747-ca-pourrait-vous-plaire-du-30-12-24/
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Journaliste : Ça pourrait vous plaire avec le docteur Vladimir Mitz. Bonjour docteur.
Docteur Vladimir Mitz : Bonjour Léa.
Journaliste : Et vous êtes chirurgien esthétique et plasticien. Aujourd’hui, vous nous parlez de médecine narrative. Qu’est-ce que c’est que cette médecine narrative ?
Docteur Vladimir Mitz : Eh bien, jusqu’à il y a 10 jours, je n’en savais rien. J’ignorais complètement l’existence de cette spécialité. Figurez-vous qu’en allant à l’Académie de Chirurgie, qui est un lieu très sérieux – pour être académicien, il faut avoir réalisé de nombreuses opérations et être reconnu –, le thème de la session était la médecine narrative. Et donc, que ce soit moi, que ce soit le président de l’académie ou d’autres chirurgiens, dont certains sont très connus, nous avons été très étonnés de découvrir qu’il existait des professeurs de médecine narrative en France, des chaires de médecine narrative, et même une formation dédiée pour les étudiants en médecine.
Journaliste : C’est donc une sorte d’histoire de la médecine ?
Docteur Vladimir Mitz : La médecine narrative, c’est une médecine nouvelle. Elle est née de la réflexion d’une femme appelée Rita Charon (C-H-A-R-O-N), qui vient de chez nous, fille de médecin. Elle a constaté qu’avec le développement des technologies, les médecins posaient 12 questions aux patients sans vraiment les écouter. Si un patient voulait raconter quelque chose, on lui disait : « Stop, répondez à mes questions. »
Journaliste : Ah oui.
Docteur Vladimir Mitz : Comme un robot.
Journaliste : Oui.
Docteur Vladimir Mitz : Tout à fait mécanique. Alors, Rita Charon a commencé à réfléchir et, en 1980, je crois, elle a écrit un livre intitulé La Médecine Narrative. Son but était de réconcilier l’histoire du patient avec une écoute active de la part du médecin, pour mieux comprendre l’autre et mieux le soigner. Cette médecine narrative est devenue un élément clé. Rita Charon est désormais professeure de médecine narrative à l’Université de Columbia.
Journaliste : Encore faut-il que les médecins soient formés pour écouter et comprendre.
Docteur Vladimir Mitz : C’est vrai. Pendant nos études, on ne nous apprend absolument pas cela. Et en tant que chirurgiens, nous sommes souvent pressés, toujours en retard. Lorsque le patient arrive, notre objectif est de savoir rapidement ce que nous pouvons faire pour lui. Bien sûr, nous écoutons ses demandes, mais cela va très vite.
Docteur Vladimir Mitz : Les études montrent que cette absence d’écoute peut conduire à des procès.
Journaliste : Oui, ou même à des opérations qui échouent, car le médecin doit se sentir en phase avec le patient.
Docteur Vladimir Mitz : Exactement. Il faut établir une relation, ce qu’on appelle le transfert. Selon Rita Charon, sans transfert, vous ne pouvez pas être un bon médecin.
Elle propose deux approches complémentaires. La première, c’est l’écriture. Les patients sont invités à écrire leurs problèmes et à donner ce document à leur médecin. Ce n’est pas un simple questionnaire à choix multiples, c’est une véritable narration. Rita Charon est d’ailleurs devenue professeure de littérature.
La deuxième méthode consiste à écouter le patient jusqu’au bout. Mais jusqu’au bout, c’est combien de temps ? Au Canada, des études montrent qu’un patient peut parler 20 minutes sans s’arrêter s’il est obnubilé ou anxieux.
Journaliste : Oui, mais les gens radotent parfois. À ce moment-là, on peut interrompre.
Docteur Vladimir Mitz : Oui, mais souvent, cela arrive parce que le médecin interrompt prématurément, ce qui pousse le patient à revenir en arrière. Cela demande beaucoup d’humilité de la part du médecin.
Journaliste : Vous-même, vous m’avez dit avoir parfois refusé des patients. Cela montre bien que l’écoute est déjà une forme de jugement médical.
Docteur Vladimir Mitz : Oui, mais une écoute prolongée nous aide à mieux juger de la logique interne du discours et de l’intensité de la souffrance. Si le discours n’a pas de logique, nous pouvons refuser l’opération.
Journaliste : Qu’est-ce qui, dans le discours du patient, vous donne des informations cruciales ?
Docteur Vladimir Mitz : Si le patient dit que ce sont les autres qui lui reprochent quelque chose – par exemple, un nez trop gros ou une silhouette inappropriée –, c’est un signal d’alerte. En revanche, si l’inconfort vient de lui-même, c’est plus légitime.
Journaliste : Et cela s’applique à toutes les spécialités médicales ?
Docteur Vladimir Mitz : Tout à fait. Un chirurgien bariatrique nous a expliqué à quel point cette approche était importante pour éviter des erreurs psychologiques dans des décisions lourdes comme les bypass ou les réductions gastriques.
Journaliste : Cela montre bien qu’un patient est unique, avec son histoire et ses expériences.
Docteur Vladimir Mitz : Exactement. Cette médecine narrative permet d’améliorer la relation médecin-patient. Il est essentiel que les patients s’assurent que leur médecin les écoute réellement.
Journaliste : Merci, Docteur Vladimir Mitz. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode.